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Pagnol nous fend toujours le cœur

Écrit par sur 31 janvier 2016

Marius

A l’aube du cinéma parlant, Marcel Pagnol adapte “Marius”, sa pièce de théâtre. Mêmes comédiens, même succès. Et viendront les suites, immortelles aussi.

Rendons d’abord à César, pardon à Raimu, ce qui appartient à Raimu. Pour la création de Marius au théâtre en mars 1929, Marcel Pagnol lui propose, au départ, le rôle de Panisse, Charpin, lui, devant jouer ­César. Raimu monte rapidement sur ses grands chevaux : l’action de la pièce se déroule au Bar de la Marine, il est donc hors de question que môssieur Raimu se déplace vers môssieur Charpin ! Il sera le patron du bar, et puis c’est tout ! Pagnol, heureusement pour l’histoire du cinéma, cède. Heureusement aussi, il est persuadé, seul contre tous, que Pierre Fresnay, Alsacien et protestant, sera parfait en marin marseillais.

Pagnol vient de découvrir le cinéma parlant à Londres : quel merveilleux moyen de mettre ses pièces « en boîte » !

Alors qu’il crée déjà la suite, Fanny, sur scène, Robert T. Kane, directeur de Paramount France et responsable des studios de Joinville et de Saint-Maurice, lui propose une adaptation cinématographique de Marius. Pagnol vient de découvrir le cinéma parlant à Londres : quel merveilleux moyen de mettre ses pièces « en boîte » ! Il accepte avec enthousiasme, jusqu’à ce que le producteur lui annonce qu’il souhaite un casting d’acteurs venus du muet. Marcel bataille et finit par obtenir gain de cause : non seulement une entière liberté pour le casting, mais aussi pour l’adaptation. Et pour adapter, il adaptera, comme en témoigne cette interview du 5 décembre 1930 dans Le Journal, joli démenti aux futures critiques sur son soi-disant « théâtre filmé » : « Le Marius du cinéma, ce sera autre chose que le Marius du théâtre — les murs de toile abattus, le décor changeant, l’horizon. Au début de Marius, du ciel. En bas, à huit cents mètres, tout Marseille ! Une carte géographique de la ville, de la mer. Puis on se rapproche, on survole, on distingue les rues, les quais, le port ! […]. On approche encore, c’est le Vieux-Port, et tout à coup, on entre dans le Bar de la Marine, devant le comptoir de zinc de César. »

La Paramount panique devant la durée prévue (deux heures, c’est long pour l’époque) et les dialogues interminables, mais croise les doigts, confiant tout de même la réalisation à un pro, Alexandre Korda. Un bon gars, ce Britannique d’origine hongroise ­venu en France tout exprès : non seulement il commence par aller voir la pièce deux fois, mais il soutient Pagnol dans son choix de reprendre les mêmes comédiens ; est très impressionné par Raimu, mais aussi par le ­côté Lillian Gish d’Orane Demazis. Le tournage est des plus cordiaux : Pagnol fait comprendre la force des dialogues à ce cinéaste venu du muet, qui, en échange, lui enseigne la mise en scène et le laisse intervenir et découvrir la technique. C’est ainsi que Marius va devenir ce film admiré des néoréalistes italiens, avec une caméra qui redevient celle de Louis Lumière : un appareil d’enregistrement du réel, qui plus est régionaliste.

En 1932, pour l’adaptation de Fanny, Pagnol est, cette fois, producteur : Holly­wood ne croyait pas (à l’époque !) au potentiel commercial des suites. Et il décide de confier la mise en scène à Marc Allégret. Quatre ans plus tard, Pagnol écrit César, le dernier volet de la trilogie marseillaise (1), directement pour le cinéma car Raimu et Fresnay sont devenus de telles stars (grâce à qui ?) qu’il est inenvisageable de les immobiliser un an sur les planches. Et c’est lui, enfin, qui est derrière la caméra, tournant, certes, dans ses studios marseillais mais prenant surtout un grand plaisir à descendre dans la rue, vingt ans avant la Nouvelle Vague. Il est déjà un cinéaste confirmé, avec sept films dont le superbe Angèle, ­sorti en 1934, à propos duquel un certain Jean-Luc Godard déclarera, lors de la soirée des César de 1987, que c’est l’un des plus beaux films qu’on ait jamais tournés


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